Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article ANNONA CIVICA

ANNONA CI`'ICA. Cette expression, dans son sens le plus large, signifie l'ensemble des moyens organisés au bas-empire pour approvisionner les deux capitales, Rome et Constantinople, ou cet approvisionnement lui-même, Dans une acception plus restreinte, elle indiquait seulement les denrées distribuées gratuitement ou à bas prix aux indigents de ces deux villes, ou à certaines personnes privilégiées. 1. A Rome, c'était encore comme à la fin du règne d'Auguste le I'RAEFECTUS ANNONAE' qui, avec le concours de ses officia/es ou apparitores, était chargé, sous la surveillance du PRAEFECTUS URBI', de veiller à l'approvisionnement et au bon marché des denrées alimentaires. Celui-ci seul probablement en était chargé à Constantinople; car les textes ne mentionnent plus ici le préfet de l'annone 3. Cet approvisionnement s'opérait au moyen du CANON FRUMENTARIUS, impôt en nature dû par certaines provinces. 1.:e collége des NAVICULARII était chargé du transport des céréales jusqu'à l'embouchure du Tibre pour la ville de Rome ". Là elles étaient contrôlées, mesurées par les MENSORES puis déposées dans des magasins publics 6; ensuite, ces denrées, par l'intermédiaire des nautae Tiberini ou CAUDICARII 7, et au besoin au moyen de barques mises en réquisition °, étaient conduites à Rome, déchargées par les membres de la corporation des CATABOLENSES°, et emmagasinées pour être vendues ou distribuées 10, sous la surveillance d'une nombreuse administration. A cette administration se rattachai t une caisse spéciale, nommée ARCA rlUMENTARIA " ; il existait aussi un canon vinarius, fourni à titre d'impôt en nature par les régions suburbicaires et par quelques autres provinces 12; le préfet le faisait emmagasiner et vendre un quart au-dessous du prix normal du marché [ARCA VINARIA] ; on pourvoyait de la même manière à l'approvisionnement de l'huile [ARCA OLEARIA]. Enfin le praefectus urbi remplissait les fonctions exercées autrefois par les édiles relativement à la police des marchés, des poids et mesures, émettait des édits relativement à la vente de la viande, etc. 13 ; il avait sous ses ordres les surveillants ou tribuns des divers marchés (tribunus fori suarü, fort vinarü), etc. II. L'annona civica proprement dite, qui avait pour objet de nourrir les classes pauvres, était organisée dans la capitale avec le plus grand soin. La nécessité politique, plus encore que la charité, le commandait, en présence des habitudes oisives et turbulentes et de la puissance du prolétariat à Rome et à Constantinople. Les empereurs avaient établi des boulangeries publiques, à la tête de chacune desquelles était un manceps et desservies par la corporation des pistores'". On livrait à bas prix à ces boulangeries une partie du canon frumentarius, pour en fabriquer du pain de qualité inférieure, destiné à être vendu au peuple à bon marché 13 (panis osliensis, à Rome) ; une autre partie du canon frumentarius était employée à des distributions gratuites 76. Ce système, déjà en vigueur sous Constantin, fut ensuite développé, et la quotité de ce canon frumentarius augmentée 17 ; depuis Aurélien, les distributions ne se faisaient plus en farine, mais en pain de première qualité'. Après l'année 343, où écrivait Vopiscus, on augmenta la quantité du pain, en diminuant la qualité et en faisant payer une indemnité, jusqu'à ce que Valentinien I°r, en 369, rétablit les distributions gratuites de pain de première qualité, mais en diminuant la quantité 19. Ces distributions avaient lieu chaque jour sur des places élevées et garnies de gradins, d'où le nom de panis gradi1is 26 [LARGITIONES]. Les noms des ayants droit, qui recevaient comme signe de reconnaissance une tablette appelée TESSERA délivrée par le préfet de l'annone, étaient inscrits sur des tables d'airain placées aux lieux de distribution 22. Pour encourager les constructions, on attachait même le droit de tessera à la propriété des maisons nouvellement bâties ; en outre, il existait encore à Constantinople une dotation établie pour prêter, en temps de disette, des capitaux aux mancipes pour l'achat du blé 2". Enfin on faisait encore aux pauvres des ANN 279 ANN distributions gratuites d'huile " s et même de viande de porc 2ti fournie pour Rome par certaines provinces d'Italie, sauf ADAERATIO ; les détails de la perception et de ladistrihuLion étaient à la charge de la corporation des suarii e7, qui recevait pour cela une rémunération de l'arca vinaria 23. Afin de prévenir les abus, les empereurs avaient édicté (les peines sévères contre les mendiants (mendicantes non incalidi gis) ou les individus quelconques qui se présenteraient indûment pour prendre part aux distributions gratuites II0 Mais l'abus était dans l'institution ellemême, conséquence fatale des traditions léguées à l'empire par la républiqueromaine, et du développement dans les capitales d'un immense prolétariat oisif et corrompu. L'annona civica formait le budget de la fainéantise, et, dans certains cas, la rendait héréditaire, en attachant les distributions à la possession de certaines maisons, etc. Ainsi, contrairement à tous les principes d'une saine économie politique, alors bien ignorée, l'État se ruinait, tout en détournant du travail,,source unique de la richesse publique, et en encourageant l'imprévoyance et l'oisiveté. III. Dans les villes municipales, des magistrats portant quelquefois le nom d'édiles [AEDILES MUNICIPALES] avaient été jadis chargés de la cura annonae. Plus tard, après Dioclétien, on voit (les surveillants spéciaux (episcopi), chargés de l'approvisionnement n. Charisius, qui écrivait probablement sous Constantin, nous parle encore de frunlentarii et d'olearii, chargés de l'achat du blé et de l'huile pour les magasins publics ". En outre, certaines villes recevaient des secours spéciaux destinés à soulager les pauvres : ce fut le cas de Formiae et Puteoli a3 ; on voit encore figurer dans les textes un frumentum Carthaginicnse n, Alexandrinum 3", portion du canon frumentarius employée en largitiones frumentariae, et exigeant des agents spé